14 questions et 14 réponses essentielles

sur la schizophrénie pour (re)mettre les idées en place

Combien de personnes sont-elles touchées ?

Environ 600 000 personnes en souffrent en France et 1% de la population dans le monde, toutes cultures et tous milieux confondus.

La quasi-totalité des Français ne sait pas aujourd’hui donner de chiffre de prévalence de la schizophrénie alors qu’ils estiment assez justement la prévalence des maladies mentales en général. Cela signifie que cette pathologie constitue un enjeu majeur de santé totalement sous-estimé.

NON, il n’est pas possible que vous ne connaissiez aucune personne concernée par la schizophrénie.

La schizophrénie est-elle une maladie pas comme les autres ?

Non, c’est une pathologie organique comme une autre, une maladie du cerveau, neurobiologique. Elle résulte de l’interaction d’une vulnérabilité génétique et de facteurs dits environnementaux (par exemple, conditions de grossesse ou de naissance, infections virales, événements de vie stressants…).

Pourtant seulement 10% des Français savent qu’elle a une base biologique qui implique le cerveau. Ce qui peut la différencier d’une autre est le fréquent défaut d’insight (voir question 4)

NON, elle n’est pas le produit de l’éducation ou d’un conflit familial, contrairement à ce que croient la majorité des Français.

Pourquoi entend-on parler des schizophrénies au pluriel ?

La schizophrénie recouvre des réalités si diverses qu’il est plus juste de parler au pluriel des schizophrénies (parfois, c’est le terme de « troubles du spectre de la schizophrénie qui est utilisé »). La maladie altère les fonctions cognitives telles que mémoire, perception, expression, raisonnement ; elle trouble le cours de la pensée et la capacité à agir. Mais les symptômes se manifestent de façon diversement durable ou grave.

Non, deux personnes ayant des symptômes identiques n’ont pas forcément les mêmes dysfonctionnements du cerveau.

Quels sont les signes de la maladie ?

Ses premiers signes sont peu spécifiques : repli sur soi, isolement, perte d’intérêt, décrochage scolaire, troubles de l’attention, de la concentration, de la mémoire, difficulté à exprimer des émotions et à communiquer, insomnies ou inversion du rythme du sommeil, usage exagéré de substances (cannabis, alcool, tabac). En phase aigüe, les symptômes les plus typiques sont le sentiment de déréalisation, les hallucinations, les idées bizarres ou délirantes.

NON, les troubles ne sont pas dus à des traits de caractère du malade, qui n’est ni paresseux ni asocial.

Qu’est-ce que le « défaut d’insight » qui est utilisé pour caractériser la maladie ?

Comme les autres maladies dont la loi française de 2005 regroupe les conséquences fonctionnelles sous le concept de « handicap psychique » (dépression, troubles bipolaires notamment), la schizophrénie n’affecte pas directement les capacités intellectuelles mais plutôt la mise en œuvre de ces capacités.

Au sein de ce groupe de maladies, la schizophrénie est potentiellement beaucoup plus invalidante (du fait de l’altération de certaines fonctions de base mentionnées dans la réponse 3). L’OMS la classe d’ailleurs parmi les 10 maladies les plus invalidantes au monde. Et elle a surtout la particularité de se caractériser dans 60% des cas par un « défaut d’insight » total ou partiel, c’est-à-dire que la personne atteinte n’a pas conscience de sa maladie (on utilise aussi le terme français d’anosognosie).

C’est pourquoi des conditions spécifiques de prise en charge sont nécessaires pour permettre aux patients d’accéder aux soins et de retrouver une vie normale.

NON, la schizophrénie comme les autres maladies mentales ou psychiques n’a rien à voir avec le retard intellectuel ou le handicap mental, pas plus qu’avec des difficultés psychologiques passagères.

Le « défaut d’insight » ou non-conscience des troubles doit être pris en compte dans les stratégies d’accompagnement.

On dit que la schizophrénie est un dédoublement de la personnalité ?

En fait, l’étymologie du mot schizophrénie (« schizo, fendre » et « phren, esprit ») a contribué à en faire complètement à tort, un synonyme de « double » ou « contradictoire » dans le langage courant, sur un mode généralement dépréciatif, alors que la schizophrénie n’est absolument pas un dédoublement de la personnalité. Très douloureuse, elle se caractérise par des dysfonctionnements de la circulation de l’information au sein du cerveau.

NON, il ne faut pas confondre la schizophrénie et le trouble dissociatif de l’identité, il s’agit de maladies totalement différentes.

Est-ce une maladie héréditaire ?

La maladie peut toucher n’importe quelle famille, et ses causes étant plurifactorielles, l’hérédité n’explique pas tout. Ce qui est éventuellement transmis, c’est une fragilité biologique à avoir la maladie, pas la maladie elle-même.

Le risque d’être atteint de schizophrénie augmente si d’autres membres de la famille en sont atteints, mais dans des proportions mesurées.
On évalue le risque héréditaire à 10 % pour l’enfant si un parent du premier degré en est atteint (père, mère, frère, sœur), et à 40 % si les deux parents en sont atteints. Pour les enfants des frères et sœurs d’un patient, le risque d’être atteint est à peine supérieur à la moyenne de la population (3% contre 1%). Pour des vrais jumeaux (monozygotes). Le taux de correspondance varie d’une étude à l’autre mais se situe entre 40 et 50%.
Il existe une vulnérabilité génétique. Or génétique ne signifie pas nécessairement héréditaire. Des mutations de novo pourraient aussi expliquer en partie ce terrain génétique.

NON, la schizophrénie n’est pas nécessairement transmissible.

À quel âge la maladie apparaît-elle ?

La schizophrénie se déclenche le plus souvent à partir de 15-16 ans, ce qu’ignore plus d’un Français sur 2 (*4). Il existe des formes tardives et aussi, plus souvent qu’on ne le croit, des schizophrénies très précoces chez les enfants.

NON, il ne faut pas rester inactif face à un jeune qui présente des signes alarmants, il faut l’orienter vers un spécialiste (psychiatre) ou une structure appropriée.

Peut-on la diagnostiquer suffisamment tôt ?

Plus de la moitié des futurs malades présentent des troubles du comportement et de l’adaptation 10 ans avant la première hospitalisation. Mais seulement 1/3 des Français sait qu’un diagnostic précoce est possible. Donc peu de Français, confrontés à des symptômes d’alerte, ont le réflexe de penser à une schizophrénie ou de poser des questions à leur médecin.

Il est vrai que le diagnostic n’est pas toujours aisé. Il n’en reste pas moins que la méconnaissance générale augmente le retard français : 5 à 6 ans de retard en moyenne pour poser le diagnostic de la maladie, alors qu’une prise en charge dans les temps pourrait permettre d’obtenir une rémission durable.

NON, la France n’a rien d’un pays avancé en matière de diagnostic et de prise en charge précoce de la maladie.

La schizophrénie est-elle une cause importante de suicide ?

C’est la cause principale de suicide chez les jeunes en France. Angoisse et souffrance intérieure intenses, sentiment de persécution, épisodes de dépression conduisent 5 à 10% des patients souffrant de schizophrénie à se suicider en particulier durant les premières années de la maladie et environ la moitié des patients souffrant de schizophrénie ont des comportements suicidaires.

À ce risque suicidaire s’ajoutent de nombreux décès accidentels consécutifs à la maladie et la violence de la société : les patients sont de 7 à 17 fois plus agressés que la population générale. La Haute Autorité de Santé a en outre souligné leur accès inférieur aux soins somatiques (relatifs au corps) qui réduit leur espérance de vie de 15 à 25 ans en moyenne par rapport au reste de la population.

NON, les personnes atteintes de schizophrénie ne sont pas traitées de façon égale au reste des Français.

La schizophrénie est-elle une cause importante de violence ?

65% des Français considèrent que les malades souffrant de schizophrénie « constituent un danger pour les autres », mythe véhiculé à l’occasion de faits-divers aussi spectaculaires que rarissimes, qui ont figé à tort l’imaginaire collectif dans une vision déformée de la maladie. Les personnes avec un trouble de schizophrénie ne sont absolument pas plus violentes que le reste de la population générale (4%) mais elles sont souvent victimes.

NON, la très grande majorité des personnes violentes ne sont pas atteintes de schizophrénie, et non, l’immense majorité des 600 000 personnes atteintes de schizophrénie ne sont pas violentes.

Un traitement médicamenteux prolongé est-il nécessaire ?

Les antipsychotiques permettent de réduire les hallucinations, les pensées délirantes, l’agitation et la confusion. Ils permettent de retrouver de meilleures relations avec l’entourage et l’environnement, même s’ils ne traitent qu’imparfaitement les symptômes dits « négatifs » de la maladie (difficulté de concentration, retrait social…). Il est vrai que 10 à 20% des malades restent totalement résistants. Toutefois les médicaments sont généralement très performants pour stabiliser la maladie et a contrario, l’arrêt du traitement constitue le premier facteur de rechute chez les malades. Il est donc indispensable que les patients bénéficient d’un traitement efficace, et ce de façon précoce et adaptée.

NON, les antipsychotiques ne sont pas des drogues, ni une «camisole chimique»

Un rétablissement est-il possible ?

Plusieurs personnes célèbres atteintes de schizophrénie, tels que John Nash, mathématicien et prix Nobel d’économie, ou Syd Barrett, musicien, du groupe Pink Floyd, ont contribué de façon remarquable à la société comme artistes, politiciens, scientifiques, athlètes ou financiers.

Aujourd’hui plus que jamais, le rétablissement est possible pour tous les patients : combinées au traitement médicamenteux, les thérapies psycho-sociales (psychothérapie, éducation thérapeutique, entrainement cognitif spécifique, psychoéducation et soutien de l’entourage.) ont montré leur efficacité dans différents pays.

NON, la schizophrénie n’est pas une maladie sans espoir, très loin de là !

Le retour à une vie normale des patients est-il possible ?

Des études internationales récentes montrent que des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi en milieu ordinaire permettent à des malades d’accéder au monde du travail. Elles révèlent en outre que l’activité professionnelle est un facteur très puissant d’amélioration de l’état de santé des patients.

Aujourd’hui cependant moins d’un Français sur 2 considère qu’une personne atteinte peut vivre une vie normale, 25% seulement pensent que les personnes atteintes peuvent avoir une vie professionnelle, 24% avoir une vie de couple, 19% fonder une vie de famille (Ipsos 2009). Résultat : pour optimiser leurs chances d’intégration, les malades se cachent, même ceux qui sont insérés professionnellement.

NON, la schizophrénie ne mène pas fatalement à l’exclusion sociale.