RESUME DU CAF’CONF’ AVEC LE DR LEGUAY « LA REHABILITATION PSYCHOSOCIALE« JEUDI 10 FEVRIER 2022 À 18 H 30
Intervention du Dr Denis Leguay, Coordonnateur CReHPsy Pays de Loire, psychiatre, praticien hospitalier, ancien chef secteur Cesame. Angers et Président Santé Mentale France sur le thème de de la réhabilitation psychosociale, le jeudi 10 février à 18h30.
Dans un premier temps, le Dr Denis Leguay se propose, de caractériser la notion de réhabilitation psychosociale en démontrant que ses définitions et leurs évolutions ont abouti à une rupture qui va « façonner une nouvelle façon d’intervenir en santé mentale ». Il poursuit sa présentation, par la démonstration que, grâce à cette rupture, la réhabilitation psychosociale va tendre à se définir comme une démarche globale qui agit tant sur les capacités du patient que sur la société. Puis, dans un second temps, il va démontrer que ce changement de paradigme de « prise en charge », dans un « cadre conceptuel précis » agit sur le parcours de santé, et aboutit à l’émergence de deux nouveaux concepts qui sont le rétablissement (recovery) et le pouvoir d’agir (empowerment).
I – Les caractéristiques disruptives de la réhabilitation psychosociale
Tout d’abord, la réhabilitation psychosociale comporte toute une partie de concepts, de techniques, de programmes et s’appuie sur une philosophie du parcours de rétablissement. Ce mouvement protéiforme marque une rupture afin de promouvoir le pouvoir d’agir des personnes. Il s’agit de se démarquer de l’idée biomédicale qui serait celle d’une guérison et tendre pour les personnes concernées par des troubles sévères et persistants, dans la recherche d’un nouvel équilibre, d’un cheminement vers des objectifs personnels.
Ainsi, toutes les notions, les concepts nouveaux comme le pouvoir d’agir, la remédiation cognitive, le parcours, l’inclusion, le rétablissement et la réhabilitation psychosociale « vont façonner une nouvelle façon d’intervenir en santé mentale ». Tous ces termes vont apporter une dynamique de “repersonnalisation”, d’une prise d’initiative par les soignants, l’empowerment, et laisser place au lien, à l’initiative tant des personnes concernées que des soignants, des accompagnants. Toutefois, bien que depuis 25 ans, les nouveaux antipsychotiques ont apporté un confort de vie aux personnes concernées et aux accompagnants, les techniques de prise en charge du pronostic ont été limitées voire encalminées. Historiquement, Pinel[1], en 1801, témoigne de la « non-inhumanité du fou » par la notion de traitement moral, qui reste avec la perception de son trouble, sa perception de l’autre d’où la construction, ensemble, du maintien du lien, et, en comptant sur la partie « saine du moi ». Cela signifie qu’il y a quelque chose qui reste d’humain et cela sert de levier pour concevoir un projet thérapeutique et le suivre. Le Dr Leguay note la modernité des notions en rappelant que la psychanalyse comme la psychothérapie institutionnelle cherchent toujours, à la fois, à trouver des résultats, à construire un cadre thérapeutique qui soit universel et objectivable, et, en même temps, à maintenir tout ce qui reste de la personne dans sa singularité.
Pour mieux appréhender les caractéristiques disruptives de la réhabilitation, il est nécessaire de définir celle-ci et le Dr Leguay précise que ce terme renvoie « à un ensemble d’approches, d’outils, de programmes, de démarches, de politiques de santé visant à aider les personnes souffrant de troubles psychiques à se rétablir, c’est-à-dire à obtenir un niveau de vie et d’adaptation à la société satisfaisant au regard de leurs attentes ». Autrement dit, la réhabilitation psychosociale est un mouvement, pour rappel protéiforme, et d’outils. Il est nécessaire de l’envisager dans un partenariat, avec ou sans consentement, mais l’objectif est d’impliquer le plus possible la personne concernée. Il faut l’envisager non plus dans la contention mais dans la contractualisation, dans « la chose singularisée ».
En conclusion, cette nouvelle façon d’intervenir en santé mentale va permettre une « repersonnalisation », un « empowerment » des soignants leur permettant d’agir dans l’intérêt du rétablissement de la personne concernée, soutenue par le progrès, l’innovation.
II- Le changement de paradigme et ses deux nouveaux concepts
Le Dr Leguay considère que la réhabilitation psychosociale répond à deux champs d’action, l’un sur les capacités du patient (apprentissage, remédiation cognitive, psychoéducation, mise en situation,…) et l’autre sur la société (soutien de l’entourage, mobilisation des ressources, prise en compte du contexte social), et ce, dans un « cadre conceptuel précis » qui préfigure la question du « handicap psychique », à savoir le financement du handicap, l’organisation des soins psychiatriques,… Ainsi, de manière concrète, ce changement de paradigme passe donc par l’idée que la réhabilitation psychosociale est une démarche globale et non simplement la mise en œuvre de programmes. Ce changement de paradigme porte, intrinsèquement, l’approche globale de la situation de la personne, qui n’est pas figée, et qui doit, aussi, s’articuler, autour de son suivi médical non seulement par l’intermédiaire des psychiatres mais aussi avec d’autres professionnels du champ social et sanitaire. Il faut aussi aborder différemment les relations, les rapports entre les professionnels et les usagers, l’évolution dans l’organisation des soins et ne pas se fonder uniquement sur des techniques.
Dans le cadre du parcours de soins se pose alors la question du positionnement des parties intéressées. Il comporte un enchaînement d’étapes, de la gestion de la crise à la « disponibilité » au changement, en passant par la définition du projet et sa mise en œuvre. Le patient passif doit devenir un usager, acteur et expert. Quant au professionnel, la complémentarité doit être aménagée afin de permettre à une réhabilitation des compétences, à une réadaptation. En conséquence, le nouveau paradigme propose de s’affranchir du modèle médical et de tendre vers une « complémentarité aménagée ».
Si tout le monde est d’accord pour tendre vers cette réhabilitation psychosociale, vers cette réadaptation, s’affranchir de ce modèle médical s’avère difficile et compliqué car tout le champ de la santé est concerné. En effet, si tous les corps professionnels impliqués se dirigent vers des processus de mise en œuvre des moyens permettant ce nouveau paradigme, il n’en demeure pas moins que la priorité est donnée à la personne concernée qui doit tenter de prioriser, de poursuivre ses objectifs, son projet de vie, de la meilleure manière possible.
En conclusion, ce nouveau paradigme s’appuie sur deux concepts qui sont, « recovery » ou « reconquête », « rétablissement » et « empowerment » ou « pouvoir d’agir ». Ces deux notions sont essentielles car elles permettent d’envisager, pour la personne concernée, les voies de la restauration de son autonomie personnelle. Le prisme dont on s’est servi dans le passé au regard de celui d’aujourd’hui oppose la prise en charge, les pratiques et l’offre de programmes. Le patient peut, ainsi, recouvrer son espace d’action et d’expression.
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