Le rétablissement : les faits et les espoirs

Caf'Conf'

Dr Yann HODE. Psychiatre
Ancien Praticien Hospitalier au CH Rouffach
A l’origine du développement du réseau Profamille en France
Particulièrement engagé dans la prise en charge des schizophrénies

Yann Hodé anime un Caf Conf sur le thème du rétablissement.

Prenant la parole à l’occasion d’un Caf’ Conf’ de PromesseS qui se plaçait fort judicieusement dans le cadre de la Semaine de la Santé Mentale, Yann Hodé a drainé vers cette nouvelle édition d’un rendez-vous désormais récurrent, plus de 70 participants.

L’exposé s’est engagé autour d’une série de diapositives posant les questions de base :  car de quoi parle-t-on ?

Le rétablissement “C’est la capacité de bien vivre en dépit de ce qui fait obstacle”.

Se rétablir d’une pathologie évolutive comme la schizophrénie n’est pas si différente de se rétablir de nombre de maladies somatiques ou de graves accidents de la vie.

“Un rétablissement n’est jamais définitif » ponctue Yann Hodé, s’appuyant sur la métaphore des équilibristes.

Mais malgré l’existence de plusieurs meta-analyses, la notion de rétablissement reste difficile à établir et notamment dans sa durée, car il n’y a pas d’outils standardisés permettant l’évaluation du rétablissement fonctionnel. Il s’avère donc ardu de tirer des conclusions solides concernant les différentes interventions visant le rétablissement chez les patients atteints de schizophrénie.

Si ces études ne rendent pas forcément optimistes, elles montrent surtout l’absence de critères.

“Tant que l’on n’entrera pas dans une stratégie d’évaluation, on obtiendra de faibles améliorations » déplore Yann Hodé.

 La façon dont la personne concernée envisage son propre rétablissement reste cependant essentielle car, notoirement c’est l’empowerment, c’est-à-dire la capacité de la personne à reprendre la main sur sa propre vie qui semble influer le plus favorablement sur le rétablissement.

Dans ce sens, l’étude comparative menée dans les années 90 dans deux petits Etats américains, le Vermont et le Vermont, montre que la politique de santé choisie dans le Vermont plus axée sur l’insertion et l’immersion sociale a fait grand bruit. Elle illustre le fait que la politique de santé mentale choisie avait une grande influence sur le rétablissement.

En 2008, une autre étude a montré que peu de patients sont rétablis sur l’ensemble des points listés dans l’étude et cela renforce l’idée de rétablissement ponctuels à des moments différents.

Différents leviers peuvent être mis en oeuvre  comme  la prise en compte des symptômes affectifs des malades, les traitements antipsychotiques adaptés et régulièrement pris, la psychoéducation des patients, une attitude d’écoute et de respect tournée vers l’empowerment, le soutien dans la vie sociale avec des services adaptés, la prise en compte des problèmes somatiques, des interventions de remédiation cognitive et de réhabilitation, une moindre stigmatisation, un accompagnement pour l’accès à l’emploi en milieu ordinaire.

Il importe dans un premier temps d’être au clair avec ce qu’est le rétablissement et non pas dans une posture d’espoir type “conte de fées”. Il s’agit de voir la réalité de façon plus juste et pas seulement en négatif afin d’agir efficacement.

Du côté des proches, la pratique du programme Profamille porte en soi, du début à la fin, les outils utiles et favorables au rétablissement notamment avec la maîtrise de l’approche motivationnelle.

Mais s’il y a chaque année 9000 nouvelles familles concernées par la schizophrénie, actuellement seulement 50 soignants peuvent dispenser ce programme auprès de 800 personnes ce qui rend l’apport des familles au rétablissement très relatif.

“Le progrès qui fait défaut est en lien avec le faible recours aux pratiques avancées qui sont la “mise en musique” de ce dont on dispose déjà pour mener un combat intelligent et efficace en faveur des malades” souligne Yann Hodé.

Franchement critique, la dernière partie de cet exposé s’est attachée à souligner les écarts toujours importants entre les attentes et les résultats, ce qui met en exergue “le déficit entre les services réellement rendus et les hypocrisies du système”. 

 Si “70% de ce qui est fait ne correspond pas à ce qui devrait être fait” il est légitime et logique de se montrer très amer sur “l’absence d’évaluation, non pas de la mise en oeuvre des moyens mais des résultats produits par ces moyens eux-mêmes”.

Ce qui, de fait, freine de réelles avancées.

Écouter ou réécouter Yann HODE lors de notre Caf’Conf :